Du bilan financier au diagnostic RSE : une nouvelle vision du métier d ‘expert comptable

Le 4 juin 2025 par La rédaction

Et si la comptabilité devenait un levier de transformation sociétale ? Chrystèle Lyon Gabriel en a fait une réalité. À la tête d’un cabinet indépendant, elle conjugue performance, inclusion et développement durable. Entre accompagnement stratégique, ancrage territorial et innovation sociale, elle redéfinit les contours du métier d’expert-comptable. Nous avons rencontré Chrystèle Lyon Gabriel pour un échange autour de son engagement et de sa trajectoire.

Pouvez-vous nous présenter votre activité et les spécificités de votre cabinet ?

Chrystèle LYON GABRIEL :
Je dirige un cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes que j’ai fondé il y a 18 ans. J’en suis l’unique associée, accompagnée d’une équipe de deux à quatre personnes selon les périodes. Le cabinet se distingue par deux spécificités. D’abord, tous mes collaborateurs sont en situation de handicap, un choix personnel en tant que mère d’un jeune handicapé, consciente des difficultés rencontrées dans le système scolaire puis professionnel. Ensuite, nous accompagnons principalement des entreprises du secteur des services, notamment dans l’assurance, en leur proposant des missions classiques d’expertise comptable et de commissariat aux comptes.

Depuis quelques mois, nous avons également amorcé un développement autour de la RSE, ce qui m’a semblé pertinent de partager à travers cette interview.

Chrystèle LYON GABRIEL Plumalys

Comment vous différenciez-vous des autres cabinets ?

Chrystèle LYON GABRIEL :
D’abord, je dirige une entreprise avec une vraie expérience managériale, acquise avant même la création du cabinet. Je sais ce que signifie embarquer une équipe et piloter une organisation. Ensuite, en tant qu’expert-comptable certifié pour les rapports de durabilité, je bénéficie de la crédibilité de la profession.

J’ai conscience de mes limites, donc je m’entoure de consultants spécialisés lorsque c’est nécessaire, notamment pour le volet achats décarbonés. Notre force réside dans notre capacité à structurer, cadrer et faire avancer les projets.

Qu’est-ce qui vous a amenée à intégrer une démarche RSE à votre activité comptable ?

Chrystèle LYON GABRIEL :
Il y a environ un an, j’ai obtenu la certification pour le visa de durabilité dans le cadre de la CSRD. Cela m’a naturellement conduite à m’intéresser à la RSE, en considérant que toutes les entreprises ne sont pas encore concernées par la CSRD, surtout depuis l’introduction du paquet Omnibus. En juin 2024, nous avons engagé une réflexion pour appliquer une démarche RSE au sein du cabinet, puis envisager son déploiement chez nos clients existants et, à terme, auprès de prospects.

En échangeant avec nos parties prenantes clients, fournisseurs  leur retour a été unanime : cela correspondait à l’identité même du cabinet. Nous avons donc structuré une offre avec des outils de diagnostic, un accompagnement et deux niveaux de plan d’action : « Petit Pas » et « Grand Pas ». Une apprentie en alternance a même lancé une initiative interne appelée « PlumRSE ».

Nous avons également formalisé notre offre destinée à nos clients sous le nom de « Mission RSE ».

Ce positionnement est-il une évolution naturelle de votre cabinet après 18 ans d’existence ?

Chrystèle LYON GABRIEL :
Effectivement. Une première évolution a eu lieu il y a deux ou trois ans avec la création d’une offre appelée « Copilote ». Cette mission s’adresse à nos clients pour lesquels nous assurons l’expertise comptable. L’objectif est de proposer un accompagnement stratégique : définir des indicateurs-clés (trésorerie, marge, etc.), les suivre lors d’échanges réguliers d’une heure, mensuels ou trimestriels. Ces échanges dépassent souvent les aspects financiers pour aborder des préoccupations plus larges : stratégie, organisation, gestion RH, voire des choix personnels de dirigeants. C’est un moment privilégié pour prendre du recul.

Le nom « Copilote » a été suggéré par la consultante qui nous accompagne sur la RSE, et il correspond bien à la philosophie de ce service. Sortir le chef d’ entreprise d’une certaine forme de solitude.

Comment vos clients ont-ils accueilli votre nouvelle offre RSE ?

Chrystèle LYON GABRIEL :
Deux de nos clients ont décidé de s’engager dans cette démarche avec nous. D’autres ont accepté de participer à notre analyse de parties prenantes, estimant que cela allait de soi compte tenu de l’identité du cabinet. En revanche, sur le marché extérieur, c’est plus complexe, notamment dans le contexte économique actuel.

L’un de nos clients bénéficie désormais de taux d’intérêt bancaires bonifiés grâce à notre diagnostic RSE. L’autre, en phase de transmission d’entreprise, y voit un levier de valorisation. Pour les prospects, nous adaptons notre discours : plutôt que de parler de « RSE », nous partons de leurs problématiques concrètes (opérationnelles) et regardons comment  une approche RSE peut y répondre.

Je suis convaincue qu’on peut mettre en œuvre une démarche RSE sans forcément recourir à des investissements onéreux. L’enjeu est de concilier performance économique et responsabilité sociétale, même dans de petites structures. Oui une TPE/PME peut avoir une approche RSE et être performante.

Concrètement, comment cette démarche se traduit-elle dans votre fonctionnement quotidien ?

Chrystèle LYON GABRIEL :
Nous avons lancé le plan « Petit Pas » avec des actions simples mais concrètes. Sociétal, nous avons revu nos délais de paiement et élargi notre portefeuille clients. En interne, nous avons retravaillé nos plans de formation.

Sur le plan environnemental, bien que déjà très digitalisés, nous avons réduit nos impressions papier, réutilisé les feuilles en brouillons, remplacé les bouteilles d’eau par des gourdes et envisagé l’achat d’un système de filtration d’eau. Une collaboratrice, par exemple, apporte nos papiers recyclés à l’école maternelle de son enfant. Ce sont des gestes modestes, mais qui créent de la cohésion et donnent envie d’aller plus loin.

Et concernant le plan « Grand Pas », quels sont vos projets ?

Chrystèle LYON GABRIEL :
Nous prévoyons de développer des indicateurs extra-financiers et d’intégrer des critères ESG dans notre politique d’intéressement. Nous envisageons également un tableau de bord interne spécifique, et recherchons des formations adaptées. Peut-être irons-nous jusqu’à un bilan carbone ou une matrice de double matérialité.

Tout cela se construit progressivement, en testant d’abord sur notre propre cabinet avant d’en faire bénéficier nos clients.

Chrystèle LYON GABRIEL

Quel regard portez-vous sur l’évolution de votre métier, notamment avec le numérique ?

Chrystèle LYON GABRIEL :

Dans notre cabinet, le numérique est intégré depuis longtemps. Il y a dix ans déjà, nous étions équipés pour le travail à distance. Mes collaborateurs peuvent travailler de chez eux en cas de grève, de rendez-vous médicaux ou autres contraintes. Cette anticipation nous a permis de traverser la crise du Covid sans difficulté. Cette souplesse, imposée par les besoins de nos collaborateurs en situation de handicap, s’est révélée être un véritable atout.

La rédaction

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